Quels étaient les objectifs poursuivis par le Gouvernement dans le cadre de cette réforme de la fonction publique ?
La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique modernise en profondeur la fonction publique afin de renforcer la souplesse dans la gestion des ressources humaines.
Un des objectifs est de promouvoir un modèle de dialogue social plus stratégique et plus efficace, moins segmenté entre les instances. Il a été simplifié et réorienté autour de la définition d’axes stratégiques.
Un autre enjeu est de construire de nouveaux leviers managériaux pour permettre une action publique plus réactive et plus efficace. Le recours aux contractuels a été simplifié mais avec des conditions encadrées et une transparence renforcée. La loi offre par exemple de nouvelles possibilités de recours à des agents contractuels sur emploi permanent en élargissant, aux catégories B et C, la possibilité de recruter des agents contractuels lorsque les besoins des services ou la nature des fonctions le justifient. Les centres de gestion disposeront de nouvelles marges de manœuvre en matière de recrutements. Ils pourront ainsi mettre à disposition des communes, de moins de 1 000 habitants et des groupements de communes de moins de 15 000 habitants, des agents contractuels sur des emplois permanents, et faciliter les recrutements sur des emplois à temps non complet. Dans cette même logique, la loi créé un contrat de projet, ouvert aux trois catégories hiérarchiques, pour répondre au besoin de souplesse énoncé par les employeurs territoriaux.
Un des axes est également de favoriser la mobilité et d’accompagner les transitions professionnelles des agents publics dans la fonction publique et le secteur privé. De nouveaux outils, tels la portabilité du CDI inter-versant ou la rupture conventionnelle, ont donc été proposés.
Les centres de gestion, acteurs essentiels de la modernisation de la fonction publique territoriale, sont bien sûr concernés par ces objectifs. Pour ce faire, ils disposent maintenant d’outils pour poursuivre, avec plus de force, leur coordination et je sais qu’ils s’en saisiront. L’élaboration d’un schéma régional ou interrégional de coordination, de mutualisation et de spécialisation vise à mieux exercer les nouvelles missions définies à un niveau au moins régional (aide aux fonctionnaires à la recherche d’un emploi, assistance à la fiabilisation des comptes de droits en matière de retraite ou assistance juridique statutaire).
Quelles mesures vous apparaissait-il indispensable de faire adopter ?
La loi de transformation de la fonction publique offre de la souplesse et donne des leviers pour améliorer le service public. Elle insuffle une nouvelle dynamique dans trois domaines.
Parmi les principales mesures figure la simplification du fonctionnement des instances syndicales, avec la fusion du comité technique et du CHSCT au sein du nouveau comité social territorial et le recentrage des missions des commissions administratives paritaires sur les décisions individuelles défavorables. Parallèlement, des lignes directrices de gestion fixent les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels.
La simplification du recrutement par le recours au contrat constitue un autre axe prépondérant, tout en maintenant la primauté du fonctionnaire pour occuper un emploi. La loi renforce, par ailleurs, les garanties encadrant l’emploi des agents contractuels, avec la procédure de sélection pour garantir l’égal accès aux emplois publics. Les agents contractuels sur emplois permanents et sur emplois fonctionnels recevront en outre une formation obligatoire.
Enfin, les mesures sur la progression de l’égalité professionnelle sont indispensables pour construire une fonction publique exemplaire. Elles sont très concrètes : renforcement du dispositif de nominations équilibrées sur les emplois de directions pour les collectivités dès 40 000 habitants, inapplication du jour de carence pour les congés maladie liés à la grossesse…
Je note que la richesse du débat parlementaire a aussi permis de développer le texte sur certains aspects dont la lutte contre la précarité ou l’affirmation de la déontologie.
L’un des points saillants de la loi du 6 août 2019 porte sur la rénovation du dialogue social. Dans ce cadre renouvelé, comment dépasser la logique de confrontation employeurs/représentants du personnel pour évoluer vers une co-construction ?
La nouvelle architecture pour structurer le dialogue social, que je viens d’évoquer, donnera une nouvelle dynamique dans les relations collectives de travail. La rénovation du dialogue social passe par la saisine du comité social territorial sur la stratégie en matière de politique des ressources humaines, sans pour autant négliger ses autres missions. Ainsi, une formation spécialisée du comité social, obligatoire pour les collectivités employant au moins 200 agents, sera compétente en matière d’hygiène, de sécurité et de condition de travail. En revanche, ces instances, qui mobilisent beaucoup d’énergies, doivent dépasser les enjeux de gestion statutaire des agents publics pour s’orienter vers une réflexion sur la stratégie en matière de politique des ressources humaines.
Pour autant, il n’y aura pas de co-gestion. Les employeurs et les organisations syndicales ont des attributions et des missions différentes. Ce constat ne signifie pas que les seules relations possibles soient une confrontation idéologique ou une opposition stérile. Sur de nombreux sujets, la concertation permet d’avancer car les points de vue de chacun sont enrichissants. C’est dans ce cadre que les avancées du protocole du 30 novembre 2018, sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, co-construites avec les syndicats, ont été intégrées dans la loi du 6 août 2019.
Dans cette logique, la loi renforce la possibilité de conclure des accords ayant une portée normative au niveau de la collectivité ou de l’EPCI, selon un cadre qui sera bientôt défini. Nous verrons comment les employeurs vont s’approprier ce nouvel outil, notamment dans le domaine de la formation et la qualité de vie au travail.
La concertation passe également par un meilleur accès à l’information. A ce titre, un rapport social unique va regrouper les données, qui seront enrichies, et une base de données sera mise à disposition des membres du comité social territorial. Cette meilleure diffusion de l’information contribuera à partager certains constats et à trouver des réponses pertinentes aux attentes des agents.
Pouvez-vous nous apporter des précisions quant aux modalités de mise en œuvre de la loi du 6 août 2019 de transformation publique (calendrier, contenu des textes réglementaires, concertation sur les ordonnances…) ?
Si de nombreuses dispositions sont d’application directe, d’autres nécessitent l’élaboration d’une cinquantaine de textes règlementaires à publier dès le début de l’année 2020.
Les modalités de mise en œuvre de la loi ont été présentées au conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) du 25 septembre dernier. J’ai notamment invité l’ensemble des représentants des organisations syndicales et des employeurs publics, notamment à travers la coordination des employeurs territoriaux, à s’impliquer fortement dans le temps de concertation préalable.
Les projets de décrets seront présentés au CSFPT et, pour les dispositions relatives aux trois versants de la fonction publique, devant le conseil commune de la fonction publique (CCFP), où sont représentés les employeurs territoriaux. En amont, des groupes de travail favoriseront la concertation sur les projets de texte.
Ainsi, les projets de décrets relatifs aux emplois à temps non complet et aux modalités d’organisation du CSFPT ont été présentés au CSFPT du 16 octobre 2019. De même, après de nombreux échanges, le CCFP du 17 octobre 2019 a été saisi des projets de décrets portant notamment sur l’élaboration des lignes directrices de gestion, le renforcement de la transparence dans le recrutement des agents contractuels ou l’élargissement des modalités de nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur de la fonction publique.
Le CSFPT se réunira les 27 novembre et 18 décembre prochain, à propos de la nomination dans les emplois de direction, du développement de l’apprentissage dans la FPT ou de l’optimisation des services rendus par les centres de gestion ou du CNFPT. Le CCFP sera sollicité le 10 décembre 2019 pour aborder notamment le contrat de projet, le télétravail ainsi que l’égalité professionnelle.
Parallèlement, la concertation sur les ordonnances va être lancée dans le cadre d’une négociation spécifique. Nous commencerons par la protection sociale complémentaire et la santé.
Les quinze mois de concertation avec les organisations syndicales et les employeurs territoriaux, nécessaires à l’élaboration du projet de loi sur la transformation de la fonction publique, vont donc se poursuivre.